- MOBILIER
- MOBILIERLe mobilier représente tout ce qui est mobile, par opposition à ce qui est immeuble, donc l’ensemble des objets qui ornent une maison et que l’on peut emporter avec soi quand on quitte le cadre fixe d’une habitation. Le mobilier comprend deux grandes catégories de meubles, ceux qui supportent et ceux qui contiennent. Au premier type se rattache tout ce qui sert à s’asseoir (coussins, bancs, escabeaux, chaises, fauteuils, canapés et divans), à s’étendre (hamacs, lits), à poser (tables, consoles, dessertes); au second, essentiellement, les coffres, les commodes et les armoires. Étroitement lié à l’individu, le mobilier évolue avec les conditions de vie et répond aux besoins, aux goûts, aux habitudes de chaque époque; c’est pourquoi une étude historique des différents styles est aussi indispensable à la connaissance du mobilier qu’une recherche des conditions favorables à sa création.1. Conditions de création du mobilierMotivationsLe mobilier est avant tout utilitaire. Il varie donc avec le mode de vie, les conditions géographiques et climatiques, le degré de civilisation. Un nomade désirera un mobilier léger, à base de textile, qu’il pourra transporter avec lui, tandis qu’un sédentaire, surtout dans un pays froid, aura besoin d’un mobilier nombreux qu’il construira facilement en l’appuyant aux murs de sa demeure, pour se protéger de l’hiver (lits clos) ou entreposer ses réserves. Le mobilier finit par se différencier très nettement d’une région à l’autre et, par la force des habitudes ancestrales, il demeure inchangé durant des siècles. Pourtant, l’évolution de la civilisation apporte une modification dans la conception du mobilier. À côté des meubles purement fonctionnels apparaissent ceux qui ne sont destinés qu’à augmenter l’harmonie des intérieurs. Ils ne se trouvent d’abord que dans les milieux les plus fortunés, puis, par imitation, se répandent plus largement dans la société, si bien que le mobilier finit par prendre valeur de symbole, certains types de meubles devenant synonymes d’une manière de vivre, et, partant, une sorte d’idéal. La création du mobilier est donc conditionnée par des motifs souvent subjectifs, difficiles à cerner puisqu’ils relèvent de notions aussi diverses que l’idée de famille, l’image de la réussite sociale, l’emprise de la mode, des habitudes de confort prises dès l’enfance. (Les Romains prenaient leurs repas étendus, les Japonais s’asseyent et dorment sur des nattes, les Africains utilisent pour le sommeil des appuis-tête en bois.)TechniquesDans tous les pays, la technique de fabrication des meubles est liée étroitement aux modes de construction des maisons, les mêmes méthodes étant employées d’abord par les charpentiers, puis par les menuisiers. Les Égyptiens, excellents charpentiers, appliquaient à leurs meubles l’art de joindre des panneaux de bois durs de manière invisible. En France, au Moyen Âge, les fabricants de meubles étaient appelés «charpentiers de la petite cognée» et assemblaient des madriers et des planches à joints vifs pour réaliser des coffres rudimentaires. À mesure que les exigences de qualité augmentent, le métier se spécialise et améliore rapidement les techniques. Les outils se perfectionnent et se diversifient, les assemblages se font invisibles. La matière finit par se plier complètement aux formes imaginées par l’artisan. Cette matière est elle-même extrêmement diverse, le bois étant celle qui est le plus utilisée. Les espèces varient avec les pays: bois fruitier en Europe (merisier, noyer) ou essences communes (chêne, hêtre, bouleau en Russie, sapin dans les pays nordiques); bois précieux, cèdre, cyprès, ébène en Orient et en Afrique. Avec le développement des échanges commerciaux, ces bois exotiques se répandent: on importe d’abord l’ébène et le cèdre; puis, l’acajou pénètre en Europe au XVIIIe siècle; le teck, enfin, bois particulièrement résistant, connaît de nos jours une vogue mondiale. Les bois ordinaires sont employés massifs, simplement cirés, polis ou vernis, parfois dorés. Ils peuvent en outre être sculptés au tour (pieds en spirales, en chapelets), ou de motifs en relief plus ou moins accentué. Les peuples dépourvus de bois utilisent des tiges comme le bambou ou le rotin. Lorsque ceux-ci font défaut, ils utilisent de la simple vannerie d’osier pour fabriquer des coffres ou même des sièges légers. Les fibres végétales peuvent également être tendues sur un cadre en bois par paillage ou cannage, en particulier pour recouvrir des sièges. Dans l’Antiquité, on avait employé le bronze; le métal ne réapparaît qu’au XVIIIe siècle avec la tôle, puis la fonte (meubles de jardin), enfin, au XXe siècle, avec l’aluminium et l’acier inoxydable, matériaux à la fois résistants et légers qui permettent des formes très souples. L’apparition des matières plastiques a révolutionné le mobilier en substituant le moulage d’un meuble complet à l’assemblage de ses différentes parties. Les meubles peuvent être rehaussés de décors et d’ornements. Les incrustations d’ivoire, d’or, de métal existent dans toutes les civilisations. L’art du laque, invention et gloire de l’Extrême-Orient, a servi de décor au mobilier chinois et japonais; les applications de bronze doré et de porcelaine caractérisent le mobilier européen depuis le XVIIe siècle.Il faut évoquer enfin les textiles, qui ne peuvent être séparés du mobilier; sous forme de coussins, ils augmentent son confort, ou ils font partie intégrante du siège ou du lit qu’ils recouvrent avec ou sans bois apparent.EsthétiqueLe meuble, à l’origine avant tout utilitaire, a fini par jouer dans la demeure un rôle esthétique. L’architecture exerce dans ce sens une influence prépondérante: les éléments décoratifs des monuments se retrouvent sur les meubles, les lignes générales sont souvent semblables, l’esprit, surtout, est le même. Les architectes donnent fréquemment des dessins de meubles, guident le goût par des recueils d’ornements, intègrent le mobilier à l’architecture soit en créant des éléments fixes (placards, étagères, bancs), faisant corps avec le bâtiment et n’étant plus, au sens propre, des «meubles», soit en harmonisant étroitement le décor intérieur (boiseries, espaces) avec le mobilier qui lui est destiné. L’équilibre entre la recherche d’une belle ligne, satisfaisante pour l’œil, et la fonction d’un meuble reste l’idéal du créateur. À chaque époque il ne peut être réalisé que par une connaissance profonde des possibilités techniques des matières mises à la disposition de l’artiste, des besoins de la clientèle et du goût dominant. Les tendances d’un courant artistique (baroque, rocaille, cubisme, entre autres) sont bien souvent révélées au public le plus large par les objets mobiliers. Les meubles luxueux, apanage d’un petit nombre, exercent une attraction telle qu’ils sont imités et vulgarisés. Cela est vrai depuis la plus haute antiquité: le peuple égyptien possédait des coffres en bois peints en noir avec un filet blanc pour imiter les coffres d’ébène incrustés d’ivoire; les Romains, pour copier les sièges en bronze de l’aristocratie, avaient, ainsi qu’en attestent les bas-reliefs, des fauteuils de même forme en osier. On peut dire que l’idéal esthétique est presque uniforme pour l’ensemble d’une population à une époque donnée, ce qui donne une telle importance à l’étude des différents styles.2. Évolution des stylesL’AntiquitéBien que l’usage du mobilier remonte à la plus haute antiquité, peu d’exemples anciens en sont conservés. Seuls les meubles royaux ou religieux, construits pour un roi ou une divinité, donc plus beaux et plus solides, ont survécu. Par chance, l’Égypte, ayant eu dès la préhistoire l’habitude de placer dans les tombes un mobilier funéraire très varié, rappel du mobilier utilisé par le défunt pendant sa vie terrestre, a transmis des types nombreux de tabourets, de tables et de lits. L’Ancien Empire, dans la tombe de la reine Hetep-Hérès, épouse de Snéfrou et mère de Chéops (IVe dynastie), se soucie d’élégance et de somptuosité. Déjà presque tous les meubles servant de support (chaises, tabourets, fauteuils) ont des pattes d’animaux ou sont portés par des animaux. Les formes restent les mêmes jusqu’au Nouvel Empire, avec plus de somptuosité encore dans le choix des bois précieux, les incrustations de marqueterie, d’ivoire, d’or ou de pierres précieuses. L’exemple le plus fameux en est le trésor de Toutankhamon, dont le trône d’ébène ou le surprenant lit aux deux longues vaches dorées font preuve d’une habileté technique rarement égalée dans la suite des temps. L’influence du mobilier égyptien est perceptible dans tout le bassin méditerranéen, particulièrement en Judée. En Grèce, un courant asiatique qui impose le choix de certains types de meubles et d’habitudes, comme l’usage des lits pour les repas, apparaît à côté du courant égyptien qui se traduit par des meubles aux pieds semblables à des pattes d’animaux, des incrustations d’argent ou d’ivoire. La Grèce innove pourtant en créant un siège, le klismos , au dossier garni d’une planchette incurvée et aux quatre pieds courbés vers l’extérieur, des tabourets pliants à pieds en X, et de nombreuses tables légères à quatre pieds tournés ou à pieds en cuisses d’animaux (taureaux, lions ou chimères).Une double influence, grecque et étrusque, marque les meubles romains. Les habitudes étrusques en matière de mobilier se font sentir à Rome par l’emploi fréquent du bronze et par un siège, généralement réalisé en bronze, formé d’une base circulaire surmontée d’un large dossier en corolle. Les modèles de sièges grecs sont aussi très répandus, chaises à dossier issues du klismos , tabouret pliant, dont le plus célèbre, la chaise curule, est le symbole de la puissance du sénat romain. On note deux sortes de tables: les trépieds de métal, bronze ou argent, recouverts d’un plateau généralement rond et le cartibulum , table à plateau rectangulaire supporté par deux doubles lions ou chimères adossés, le tout en marbre.Le Moyen ÂgeDe la fin de la période romaine au Xe siècle, les invasions se succèdent, entretenant un climat d’insécurité peu favorable aux installations durables et à la création artistique. Seuls subsistent quelques sièges exceptionnels: à Ravenne, trône épiscopal d’ivoire (VIe s.), trône de Charlemagne, en marbre, à la chapelle Palatine d’Aix, et trône en marbre de la cathédrale de Bari (fin XIe s.), tous d’un même type à haut dossier; le siège curule romain survit dans le trône de Dagobert, sorte de pliant supporté par des lions.Durant la période gothique, les habitudes itinérantes dues aux luttes féodales créent un mobilier adapté à ce nouveau nomadisme. Le meuble de base est le coffre, à la fois armoire et banc, qu’à chaque déménagement on charge sur un mulet avec son contenu. Pour compléter l’ameublement, des tables à tréteaux, des lits réduits à un simple châlit, parfois une grande chaire réservée au maître de maison. Toute la richesse d’un intérieur réside dans les tissus, coussins ou draperies. Les progrès techniques (assemblages à queue d’aronde, amélioration de l’outillage) allègent peu à peu les meubles qui s’ornent de motifs empruntés à l’architecture, arcatures ogivales, feuillages à crosses, pinacles, que ce soient les coffres (musée de Cluny, Paris; Victoria and Albert Museum, Londres) ou les grandes chaires avec ou sans dais (trône du couronnement de Westminster, trône d’argent de la cathédrale de Barcelone, chaire aux armes de France du musée de Cluny).La RenaissanceL’Italie prend à cette époque la tête de tout le mouvement artistique européen. Les traités d’architectes comme Palladio ou Serlio répandent des thèmes nouveaux tirés de l’Antiquité. Les coffres italiens, dorés au XVe siècle et peints sur le panneau du devant et dans l’intérieur du couvercle (maître des Cassoni Jarves), s’inspirent, au XVIe siècle, des sarcophages antiques et s’ornent de scènes mythologiques sculptées en haut relief (palazzo Sforzesco, Milan), de triomphes (Frick Collection, New York), de cariatides aux angles. Le bahut, nouveau type de meuble formé de deux coffres superposés, est traité comme une façade de monument avec colonnes et frontons. Le cartibulum romain sert de modèle à des tables de bois ou de marbre supportées par des lions ou des chimères. Ce mobilier va se répandre dans toute l’Europe. Les différents pays se contentent d’abord d’adapter à leur mobilier traditionnel un répertoire de thèmes à la mode: médaillons antiques, putti , rinceaux, candélabres, colonnes cannelées à chapiteaux composites. À partir de 1530, les artistes étrangers ayant voyagé en Italie influencent leurs pays respectifs: Philibert Delorme, Du Cerceau pour la France; dans les pays germaniques, Holbein le Jeune inspire des ornemanistes comme Aldegrever, Flötner ou le maître H. S. (L’Angleterre et les Pays-Bas, dominés par la Réforme, se ferment pour un temps à toute influence italienne.)En France se crée un mobilier nouveau, inspiré de l’Antiquité, les « cabinets d’Île-de-France», meubles sobres aux lignes claires, où alternent les colonnes et les panneaux sculptés en faible relief – le type plus complexe dit de Sambin ou de Bourgogne, plus provincial, reproduisant avec une abondance allant parfois jusqu’à la surcharge des thèmes répandus par les gravures.En Allemagne, on retrouve la même richesse d’ornementation augmentée encore par des scènes en marqueterie placées à l’intérieur des portes. Le plus célèbre exemple en est le Wrangelschrank (Landesmuseum de Münster).Le XVIIe siècleDeux tendances, l’une baroque, l’autre intimiste, s’affrontent alors en Europe dans la création du mobilier comme dans tous les domaines artistiques et intellectuels. Le premier courant vise à l’effet décoratif ostentatoire par la richesse des formes et celle du matériau. Les consoles italiennes en bois doré sculptées de feuillages abondants, de personnages (consoles du Palais Colonna, Rome; œuvres de Brustolon, Venise), les formes contournées de feuillages et d’enfants dessinées par Le Pautre, Lebrun ou Berain pour les consoles, torchères, ployants ou fauteuils de Versailles, le style «auriculaire» (Knorpelwerk ) – qui développe aux Pays-Bas et en Allemagne, sous l’influence de Adam van Vianen, un répertoire à base de squelettes, d’os et de monstres marins – ainsi que les contours un peu incohérents du mobilier anglais sont issus de la même recherche typiquement baroque de formes somptueuses ou bizarres. Le goût pour la richesse de la matière relève d’un esprit identique. C’est alors le triomphe de la marqueterie de Boulle, prouesse technique dans le traitement du cuivre, de l’écaille et de l’étain incrusté dans l’ébène. Les pays nordiques se spécialisent dans la marqueterie de bois à motifs de fleurs et d’oiseaux, l’Italie (spécialement Florence avec Foggini) dans les mosaïques de pietre dure à motifs d’oiseaux, d’architecture, ou même de petites scènes. Recherche de somptuosité rare, aussi, dans les mobiliers d’argent comme celui de Louis XIV, dans celui, conservé, de la maison de Hanovre, ou dans les laques d’Extrême-Orient importées par les grandes compagnies marchandes et que leur vogue extraordinaire font bientôt imiter, particulièrement en Angleterre.Parallèlement, surtout dans les classes bourgeoises, persiste un goût pour un mobilier plus austère, en bois fruitier, noyer la plupart du temps, simplement tourné: grandes armoires ou cabinets, sièges à haut dossier recouverts de tapisserie. Ce style, souvent représenté dans les tableaux intimistes hollandais ou les gravures d’Abraham Bosse, se maintient pendant tout le siècle. Il reprend une force nouvelle à la fin du règne de Louis XIV, principalement en Angleterre, où les meubles aux pieds simples et arqués, rehaussés d’un léger motif sculpté, feuille ou coquille, auront une profonde influence.Le style Louis XV et le rococoLe mobilier du XVIIIe siècle, directement issu du baroque, est dominé par le style rocaille, caractérisé par des lignes sinueuses souvent dissymétriques, la profusion des motifs végétaux, feuillages et fleurs.Ce style est imposé en France par des ébénistes comme Charles Cressent qui fixe certains types de meuble, le bureau plat, la commode montée sur pieds cambrés et richement rehaussée de bronzes, ainsi que par B.V.R.B., Mathieu Criaerdt, Jacques Dubois, par des ornemanistes comme Oppenordt, puis Meissonnier et Pineau, des menuisiers comme Lebas ou Tilliard. L’influence française s’étend directement en Allemagne, non seulement à la cour de Prusse, mais aussi dans les différentes cours princières qui entretiennent des ateliers actifs: Nahl et les frères Hoppenhaupt à Berlin, Schnell, spécialiste de marqueterie et de laque à Dresde, Schumacher à Ansbach, Müller à Bayreuth, et Mattern à Würzburg; la Bavière est sous l’influence de l’architecte François de Cuvilliés. L’harmonie parfaite de dessin et de couleurs entre les meubles meublants (fauteuils le long des murs, consoles) et les boiseries des murs devient partout la règle. La même richesse des bronzes, le même raffinement des marqueteries et des placages, la même élégance des petits meubles, guéridons, tables servantes, la même recherche du Le confort dans la forme des sièges, cabriolets, bergères, chaises longues (duchesses) se retrouvent en France, en Allemagne, dans les pays scandinaves.En Italie, la ligne courbe s’impose aussi, et un rococo extrêmement léger et élégant, à base de meubles laqués de couleurs tendres, se développe à Venise, tandis qu’à Turin, sur des meubles de formes Louis XV, triomphent avec Piffetti les marqueteries polychromes de nacre et os teinté et bois précieux. Seule l’Angleterre cherche à échapper à ce courant européen. La tendance baroque y reste forte, et il se crée un rocaille anglais particulier, affectionnant les motifs étranges, gothiques ou chinois, qui atteint son plein épanouissement avec Chippendale et Johnson. Cette tendance est combattue, dès le début du XVIIIe siècle, par le mouvement palladien qui se traduit, dans le mobilier, par un goût pour les motifs simples – écailles ou frises de postes – et pour l’acajou uni.Le néoclassicisme, style Louis XVI et style EmpireLe style Louis XVI s’impose comme une réaction contre l’exubérance du rocaille. Les pieds droits, les dossiers carrés ou en médaillon, les cannelures, les ornements à l’antique (pompéiens) caractérisent les meubles créés en France par des ébénistes tels Oeben, Carlin, Beneman, Riesener, Weisweiler, des menuisiers comme Hauré, les Sené ou Georges Jacob; en Allemagne par Abraham et David Roentgen de Neuwied, en Suède par Haupt, en Italie par Bonzanigo en Piémont et Maggiolini en Lombardie. En Angleterre, ce style revêt un caractère beaucoup plus austère. Robert Adam épure le retour à l’antique et influence des ébénistes comme Hepplewhite et Sheraton. À cet engouement de toute l’Europe pour l’Antiquité gréco-romaine, à la fin du siècle, s’ajoute, après la campagne de Bonaparte en Égypte, une vogue générale du style égyptien (sphinx, fleurs de lotus, lions couchés). Ce répertoire antiquisant, joint à la rigueur du style Adam et à l’emploi systématique de l’acajou, donne sa forme au style Empire. De France, où la maison Jacob-Desmalter l’impose grâce à l’appui officiel, ce style se répand dans toute l’Europe. Hope et Smith en Angleterre, Raab et David Roentgen en Allemagne, ainsi que le style russe, mélange de styles Sheraton et Empire traité en bois clair, généralement le bouleau, créent une unité de style qui dépasse le cadre de l’Empire français.Styles archéologiques et style bourgeoisDès la chute de l’Empire, le style des meubles évolue. Les lignes s’arrondissent, les ornements de bronze disparaissent, le bois reprend toute sa valeur. Le nouveau style – Restauration en France, Biedermeier en Allemagne et en Autriche – qui envahit l’Europe recherche le confort, fait preuve d’un goût marqué pour les tissus qui recouvrent les tables rondes ou drapent les fenêtres de plis savants, invente des meubles commodes (tables à ouvrages, fauteuils confortables comme le Voltaire) et inonde les pièces de bibelots, plantes vertes, etc. Ce style bourgeois, qui aboutit dans la seconde moitié du siècle au style tapissier, caractérisé par des sièges à bois entièrement recouverts et capitonnés et de lourdes draperies, est fortement contrebalancé par ce qu’on pourrait appeler les styles archéologiques.La période romantique entraîne un engouement général pour le Moyen Âge, qui se traduit, dans le mobilier, par une imitation des meubles médiévaux comme, auparavant, le néoclassicisme et la campagne d’Égypte avaient amené successivement un mobilier à l’antique et à l’égyptienne. Là, l’imitation se fait plus servile et copie le gothique, le Renaissance, puis apparaissent le style Boulle, le néo-rococo, le faux Louis XVI. Chaque pays trahit dans ce pastiche une préférence pour ses propres traditions, style Tudor en Angleterre, florentin en Italie, gothique en Allemagne, Henri II en France. Ces pastiches paralysent, pendant la seconde moitié du XIXe siècle, toute invention originale en matière de mobilier.Le XXe siècleLe mobilier connaîtra une renaissance stylistique avec ce qu’on appelle l’Art nouveau. L’Angleterre lance le mouvement avec William Morris, qui tire de l’étude du gothique une nostalgie de l’œuvre originale et retrouve une source d’inspiration dans la nature. En Angleterre, l’école de Glasgow avec Mackmurdo et Mackintosh, en France le mouvement Art nouveau (Grasset, Gaillard) et l’école de Nancy (Gallé, Majorelle), en Belgique Van de Velde, en Allemagne le Jugendstil, en Italie le style Liberty marquent partout le triomphe de la ligne sinueuse faite de tiges de fleurs ou de plantes, du bois naturel employé sans placage, simplement ciré, de la recherche d’authenticité. Ce mouvement aboutit rapidement aux excès que l’on a qualifiés de style «nouille». La réaction vient dès avant la guerre de 1914 avec le Werkbund de Munich, qui s’inspire des formes géométriques, et se poursuit, à partir de 1924, avec le Bauhaus, fondé par Gropius, et, aux Pays-Bas avec le mouvement De Stijl, mené par Mondrian. Cette tendance cubiste dans le mobilier est atténuée en France par une génération d’ébénistes épris de belle matière (Ruhlmann, Rateau, Süe et Mare) qui créent un mobilier élégant aux placages précieux rehaussés de filets ou d’incrustations.Le mobilier contemporain, profondément marqué par le Bauhaus, cherche non pas tellement à moderniser le mobilier existant qu’à étudier les possibilités de toutes les matières et de toutes les formes pour stimuler l’invention. Cette remise en question des formes et des matériaux traditionnels conduit à des incohérences apparentes, mais elle ouvre des perspectives d’avenir, en particulier pour l’industrialisation rationnelle, la fabrication en série du mobilier s’étant jusqu’ici contentée de mécaniser des procédés artisanaux avec des résultats inégaux. Les matières plastiques permettent, à partir d’un moule, de fabriquer à bon marché un nombre illimité de chaises ou de tables.3. Le mobilier hors d’EuropeDès le VIIIe siècle, le mobilier chinois parvient à une sorte de perfection dans les formes (coffres et armoires montés sur des pieds ajourés, tables basses) et plus encore dans les techniques, assemblages par languettes et à queue d’aronde, incrustations de fleurs en ivoire ou nacre, laque (Trésor du Sh 拏s 拏-in de Nara, VIIIe s.). L’art du laque atteint, au XVIe siècle, une virtuosité étonnante avec les laques d’or, à décor en relief polychrome, ou incrustés de nacre (ateliers impériaux de Pékin), mais cède ensuite à la surcharge et à la tentation du tour de force purement technique, sous la double influence du goût fastueux des empereurs mandchous et de la demande européenne surtout sensible à la perfection du métier. Seuls les grands paravents en laque de Coromandel conservent des compositions harmonieuses. Le mobilier japonais ne comporte qu’un très petit nombre de meubles: étagères, coffres, tables basses, inspirés du style chinois et recouverts de laques (cf. chap. Mobilier , in CHINE - ARTS, et JAPON - Arts). La richesse de la sculpture africaine, particulièrement au Mali, au Congo ou au Cameroun, transposée dans le mobilier, crée des œuvres originales: statuettes à figures humaines intégrées à des sièges de chefs ou à des appuis-tête.1 ♦ Qui consiste en meubles; qui se rapporte aux biens meubles. Propriété, richesse, fortune mobilière. Contribution, cote mobilière, calculée d'après la valeur locative réelle du logement.2 ♦ Dr. Qui est de la nature du meuble. Effets mobiliers. Valeurs mobilières.♢ Qui concerne les biens meubles. Saisie, vente mobilière.II ♦ N. m. (1771)1 ♦ Cour. Ensemble des meubles destinés à l'usage et à l'aménagement d'une habitation. ⇒ ameublement. Le mobilier d'une maison. Mobilier Louis XV, Empire, rustique. Mobilier de cuisine, de bureau.2 ♦ Dr. Ensemble des meubles qui dépendent d'un patrimoine, d'une masse de biens. — Le mobilier national : l'ensemble des meubles meublants qui sont la propriété de l'État et servent à garnir les bâtiments nationaux.3 ♦ Mobilier urbain : ensemble des objets ou installations placés sur la voie publique ou dans les lieux publics et destinés à assurer la propreté, le confort et la décoration de l'espace urbain.⊗ CONTR. Foncier, immobilier.Synonymes :- meubles● mobilier, mobilière adjectif (de mobile) Qui se rapporte à un bien meuble, qui consiste en biens meubles. ● mobilier, mobilière (expressions) adjectif (de mobile) Action mobilière, action en justice qui porte sur un meuble, une créance.mobilier, èreadj. et n. m.rI./r adj.d1./d Qui consiste en meubles, qui concerne les meubles.d2./d DR Qui est de la nature du meuble. Biens, effets mobiliers.— Valeurs mobilières: titres, actions, obligations, parts sociales, qui sont, en droit, des biens meubles.rII./r n. m. Ensemble des meubles d'un logement.|| Mobilier urbain: ensemble des équipements installés dans les lieux publics de plein air.⇒MOBILIER, -IÈRE, adj. et subst. masc.I. — AdjectifA. —[Correspond à meuble3 I]1. DR. Qui est considéré comme meuble par la loi. Anton. immeuble, immobilier. La vente des propriétés mobilières ou immobilières de la commune, décidée au conseil municipal, doit être approuvée par le Préfet en conseil de préfecture (BARADAT, Organ. préfect., 1907, p.219). Les revenus des valeurs mobilières se sont accrus du milieu du XIXe siècle à 1914 (LESOURD, GÉRARD, Hist. écon., 1968, p.113):• 1. On dit que le capital est la source de toutes les valeurs mobilières ou immobilières qu'une personne possède. Je n'admets pas cette définition, car, avec elle, le capital devient une somme incertaine, la valeur du mobilier et de la propriété changeant chaque jour.BOYARD, Bourse et spécul., 1853, p. 164.2. Qui a rapport aux biens meubles. Vente, saisie mobilière. Les ordres de réquisition doivent être établis: — pour les réquisitions mobilières ou de service: à l'aide du carnet à souches modèle (LUBRANO-LAVADERA, Législ. et admin. milit., 1954, p.245).— Locutions♦Action mobilière. V. action1 C 2 c rem. 2.♦Contribution mobilière. Taxe perçue par les collectivités locales et touchant toute personne possédant un logement meublé. L'administration de Terray (...) s'occupa enfin de créer des taxes équitables, telle que la contribution mobilière, reprise plus tard par l'Assemblée Constituante (BAINVILLE, Hist. Fr., t.1, 1924, p.305).Emploi subst., p.ell. Il faut savoir qu'autrefois la base des impositions reposait sur «quatre vieilles» contributions: le foncier bâti, le foncier non bâti, la mobilière et la patente (FONTENEAU, Conseil munic., 1965, p.68).♦Cote mobilière.♦Crédit mobilier. Crédit garanti par le dépôt de valeurs mobilières. Les banques de crédit mobilier (BAUDHUIN, Crédit et banque, 1945, p.208).3. Qui se compose de biens meubles. Anton. immobilier. Propriété, succession mobilière. Parent qui énumérait les richesses mobilières et immobilières de l'héritage (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.493). La fortune mobilière est devenue la part la plus importante de la fortune nationale (LESOURD, GÉRARD, Hist. écon., 1968, p.20).B. — Rare. Qui a rapport aux meubles (v. meuble1 B 1). Quant aux altérations de la charpente intérieure du meuble, l'imperméabilité du papier collé la défend de l'influence de l'air, ce qui rend bien plus rares les dégradations mobilières (NOSBAN, Manuel menuisier, t.2, 1857, p.164). Complexité de la décoration mobilière (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p.704).II. — Subst.masc.A. — DR. [Correspond à meuble2 B; au sing. à sens coll.] Ensemble des biens meubles appartenant à un même patrimoine:• 2. L'expression biens meubles, celle de mobilier ou d'effets mobiliers comprennent généralement tout ce qui est censé meuble d'après les règles ci-dessus établies.Code civil, 1804, art. 535, p.99.B. — Vx. [Correspond à meuble1 A] Ensemble des objets à usage domestique d'un local public ou privé. Des objets de parure et un poignard de bronze faisaient partie du mobilier funéraire (J. DÉCHELETTE, Manuel archéol. préhist., celt. et gallo-rom., t.2, 1914, p.308).C. — [Correspond à meuble1 B] Ensemble des meubles qui servent à l'aménagement ou à la décoration d'un local public ou privé. Synon. ameublement, meuble (v. meuble1 B1). Mobilier moderne, rustique; mobilier en acajou. Ce froid et immense salon aux boiseries toutes nues, au mobilier rare, empaqueté dans des housses (GONCOURT, Journal, 1892, p.214). Elle entra dans sa chambre qui était à peu près vide de mobilier, vaste, nue. Au fond, le lit... (ROY, Bonheur occas., 1945, p.442):• 3. Les pièces du mobilier dont Germaine est le plus fière sont une paire de bergères à oreilles (...) et un charmant secrétaire, en bois de rose et citronnier...ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p.36.— En partic.♦Ensemble de meubles doté d'un même style ou d'un même caractère. Mobilier fonctionnel, moderne. La table, le buffet, les chaises, avaient dû compléter autrefois le mobilier empire qui garnissait les chambres (ZOLA, Dr Pascal, 1893, p.43). En aucun cas, le nouveau mobilier n'est empreint de cette triste austérité inhérente au mobilier napoléonien (VIAUX, Meuble Fr., 1962, p.142).♦Mobilier national. Ensemble des meubles meublants qui appartiennent à l'État; p. méton. entrepôts où sont conservés ces biens; administration qui gère ces entrepôts. Cadeau de la ville de Paris à Napoléon Ier, ou du moins ce qui en subsiste, avec ses deux «nefs» architecturales et ses vingt-quatre pièces de formes, le tout est entreposé là par le mobilier national (GRANDJEAN, Orfèvr. XIXe s., 1962, p.112).— P. ext. Ensemble des équipements qui servent à l'aménagement d'un lieu. Mobilier de bureau, de jardin; mobilier sanitaire. Sont également à sa charge les menues réparations, l'entretien et le renouvellement du mobilier et du matériel scolaire et du matériel d'enseignement (Encyclop. éduc., 1960, p.113). Le mobilier urbain dont les meilleurs exemples — kiosques, colonnes Morris, lampadaires — inventés par le XIXesiècle, participent encore (...) au pittoresque de la ville (Le Point, 23 févr. 1976, p.23, col. 2).REM. Mobilièrement, adv., hapax. V. immobilier, rem.Prononc. et Orth.:[
], fém. [-
]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. 1509 mobilier adj. (Coutumes d'Artois, IX, 132 ds Nouv. coutumier gén., t.1, p.251: heritiers [...] mobiliers); 2.1762 mobilier subst. (Ac.). Dér. de mobile; suff. -ier. Au sens 1, s'est substitué au m. fr. mobiliaire (1315, Ordonnance de Louis X ds Ordonnances de l'Echiquier de Normandie aux XIVe et XVe s., éd. F. Soudet, p.214 ds Fonds BARBIER: es despens des causes mobiliaires). Cf. le lat. médiév. mobiliaria subst. neutre plur. «biens meubles» (862 ds Nov. Gloss.). Fréq. abs. littér.:809. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a)1360, b)1698; XXe s.: a) 1265, b) 608.
mobilier, ière [mɔbilje, jɛʀ] adj. et n.ÉTYM. 1510; mobiliaire, 1411; rare av. le XVIIIe; de mobile.❖———I Adj.1 Qui consiste en meubles; qui se rapporte aux biens meubles. || Propriété, richesse, fortune (cit. 46) mobilière. — Contributions, cote mobilière, calculée d'après la valeur locative réelle du logement.1 (…) leurs richesses, considérables déjà à cette époque, étaient des maisons, des usines, mais surtout, mais essentiellement, des richesses mobilières, celles qu'on peut toujours emporter.Michelet, Hist. de la Révolution franç., III, VIII.2 Dr. civ. Qui est de la nature du meuble. || Objet mobilier, chose mobilière (→ Accession, cit. 3). || Effets mobiliers (→ Exigible, cit. 1; inventaire, cit. 3). || Valeurs mobilières. || Rendre mobilier. ⇒ Ameublir, mobiliser.♦ Qui concerne les biens meubles. || Succession mobilière. || Saisie, vente mobilière. || Action mobilière, qui a pour but la revendication d'un meuble. || Héritier mobilier, celui qui hérite des biens meubles. — Société de crédit mobilier, dont les prêts sont garantis par le dépôt de valeurs mobilières.———II N. m. (1771).1 Cour. a Ensemble des meubles destinés à l'usage et à l'aménagement d'une habitation. ⇒ Ameublement, ménage (I., 5., vx), meuble. || Le mobilier d'une maison. || Un lit, une table, deux chaises, composaient tout le mobilier de cette pièce. || Louer (2. Louer, cit. 2), acheter du mobilier. || Mobilier composite (cit. 2). || Mobilier de bois (→ Fourre-tout, cit. 1), métallique. || Mobilier compris dans le matériel d'une entreprise. || Inventaire, vente de mobilier. — Mobilier Louis XV, Empire. || Mobilier rustique, provençal (→ Installer, cit. 8). — Mobilier de cuisine, de bureau…2 Un lit de serge verte, dit en tombeau, une informe couchette d'enfant, un rouet, des chaises grossières, un bahut sculpté garni de quelques ustensiles complétaient, à peu de chose près, le mobilier de Galope-chopine.Balzac, les Chouans, Pl., t. VII, p. 957-958.3 (…) la machine à coudre, qui complète, avec la table, carrée à coins arrondis, les six chaises, et une cage d'oiseaux sur une petite table de rotin, le mobilier de la salle à manger (…)J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. I, V, p. 59.4 Un lit en bois peint, sans rideaux, des couvertures traînantes et souillées de punaises, deux chaises de paille, un poêle de fonte, un ou deux instruments de musique détraqués. Oh ! le triste mobilier !Baudelaire, le Spleen de Paris, L.2 Dr. « Ensemble des meubles qui dépendent d'un patrimoine ou d'une masse de biens » (Capitant). ⇒ Meuble. || Mobilier respectif des époux (→ Acquêt, cit. 2). || Legs (cit. 2), saisine d'une partie du mobilier (→ Exécuteur, cit. 4), du mobilier. || Partage des immeubles et du mobilier après divorce.5 L'expression biens meubles, celle de mobilier ou d'effets mobiliers, comprennent généralement tout ce qui est censé meuble d'après les règles ci-dessus établies.♦ Mobilier national : ensemble des meubles meublants qui sont la propriété de l'État et qui servent à garnir les bâtiments nationaux. || Entrepôt du mobilier national, et, ellipt, le mobilier national.3 Admin. || Mobilier urbain : ensemble des objets, installations, appareils, placés sur la voie ou dans les lieux publics et destinés à assurer ou améliorer la propreté, la commodité ou la décoration de l'espace urbain.❖CONTR. (De l'adj.) Foncier, immobilier.
Encyclopédie Universelle. 2012.